Perdue dans l'immensité du désert occidental égyptien, à environ 750 km du Caire et à seulement 50 km de la frontière libyenne, l'oasis de Siwa se présente comme un véritable mirage devenu réalité.
Cette enclave verdoyante au milieu des sables brûlants constitue l'une des plus belles oasis d'Égypte, mais aussi la plus mystérieuse et la plus isolée.
Son isolement géographique, qui a longtemps limité son accès, a paradoxalement permis de préserver son caractère authentique et ses traditions ancestrales.
Siwa fascine par son incroyable capacité à avoir préservé son authenticité à travers les siècles.
Loin des circuits touristiques traditionnels, cette oasis offre une expérience unique où se mêlent histoire millénaire, paysages à couper le souffle et traditions culturelles vivantes.
Entre ses palmeraies luxuriantes, ses sources d'eau cristalline, ses vestiges archéologiques et sa communauté berbère aux coutumes préservées, Siwa représente bien plus qu'une simple destination - c'est un voyage dans le temps, une immersion dans une culture préservée et une rencontre avec une nature généreuse en plein cœur du désert.
Les Origines Antiques
L'histoire de Siwa remonte à des temps immémoriaux.
Les premières traces d'occupation humaine dans la région, datant du Paléolithique, ont été révélées par la découverte d'outils en pierre taillée aux alentours de l'oasis.
Cependant, c'est à partir du 10e siècle avant J.-C. que l'oasis prend réellement son importance historique, comme en témoignent les nombreux vestiges de cette période.
Connue sous le nom de "Sekht-am" (Terre des Palmiers) dans l'Égypte antique, Siwa était un point stratégique sur les routes commerciales reliant la vallée du Nil à l'Afrique centrale et à la Méditerranée.
Son isolement géographique lui a permis de développer une culture distincte, influencée à la fois par les civilisations égyptienne et berbère, créant ainsi une identité unique dans le contexte égyptien.
L'Ère de l'Oracle d'Amon
La renommée de Siwa dans l'Antiquité est indissociable de son célèbre Oracle d'Amon.
Le temple dédié à ce dieu (assimilé à Zeus par les Grecs) attirait des pèlerins de tout le monde méditerranéen. Construit au 6e siècle avant J.-C., le sanctuaire était considéré comme l'un des oracles les plus fiables de l'époque, rivalisant avec celui de Delphes en Grèce.
Le moment le plus marquant de son histoire fut sans conteste la visite d'Alexandre le Grand en 331 avant J.-C. Selon les historiens anciens comme Arrien et Plutarque, l'oracle aurait confirmé au conquérant macédonien sa filiation divine, le reconnaissant comme fils d'Amon-Zeus.
Cette reconnaissance sacrée renforça considérablement la légitimité d'Alexandre en Égypte et dans le monde grec, lui permettant de consolider son pouvoir sur la région.
Vestiges Archéologiques Majeurs
Siwa compte plusieurs sites archéologiques remarquables qui témoignent de son riche passé :
Le Temple de l'Oracle
Perché sur la colline d’Aghurmi à 30 mètres au-dessus de l'oasis, ses ruines imposantes dominent encore aujourd'hui le paysage. Bien que partiellement détruit par un séisme au IIIe siecle , le site conserve une aura mystérieuse.
Les archéologues ont identifié plusieurs salles dont le naos (sanctuaire) où se tenait probablement l'oracle.
La Montagne des Morts (Gebel al-Mawta)
Cette nécropole rupestre abrite des dizaines de tombes creusées dans la roche calcaire, datant principalement de la période ptolémaïque et romaine.
La plus célèbre est la Tombe de Si-Amun, ornée de fresques colorées remarquablement bien préservées représentant des scènes de la vie quotidienne et des divinités égyptiennes comme Anubis et Osiris.
Umm Ubayda
Ce petit temple dédié à Amon, construit sous le règne de Nectanébo II (30e dynastie), présente des inscriptions hiéroglyphiques particulièrement bien conservées.
Les archéologues y ont découvert des représentations du dieu Amon sous sa forme traditionnelle à tête de bélier.
Les Ruines de Shali
La vieille ville fortifiée, construite au 13e siècle, offre un exemple fascinant d'architecture adaptée au milieu désertique.
Ses maisons en kershef (mélange de sel, d'argile et de pierre) formaient une forteresse naturelle contre les invasions.
Bien qu'en grande partie en ruines aujourd'hui suite aux pluies diluviennes de 1926, Shali reste un symbole de l'ingéniosité des bâtisseurs siwis.
Périodes Romaine et Islamique
Sous la domination romaine, Siwa continua à prospérer comme centre agricole et religieux.
Les Romains développèrent le système d'irrigation et construisirent plusieurs temples mineurs.
Plus tard, avec l'arrivée de l'islam au 7e siècle, l'oasis devint un refuge pour les tribus berbères qui y développèrent une société unique, préservant leur langue et leurs traditions tout en adoptant progressivement la religion musulmane.
Cette période islamique voit l'émergence de la citadelle de Shali comme centre urbain principal.
Les maisons typiques en kershef, matériau isolant naturel, témoignent de l'adaptation au climat désertique extrême.
L'oasis devint également une étape importante pour les pèlerins se rendant à La Mecque depuis l'Afrique du Nord.
Vous pouvez en savoir plus sur le reste des déserts d'Égypte.
Un Écosystème Oasien Exceptionnel
Siwa s'étend sur près de 80 km de long et 20 km de large, formant un véritable paradis vert au milieu du désert libyque.
Cette étendue abrite une biodiversité remarquable pour une région désertique, avec notamment :
300 000 palmiers dattiers produisant la célèbre variété Siwi, réputée dans tout le pays pour sa saveur sucrée et sa texture fondante.
La récolte des dattes, en octobre, est un moment clé de la vie économique de l'oasis.
30 000 oliviers dont certains spécimens auraient plus de 1000 ans.
L'huile d'olive de Siwa, pressée à froid selon des méthodes traditionnelles, est particulièrement prisée.
Des centaines de sources d'eau douce et chaude qui jaillissent naturellement, alimentant un réseau complexe de canaux d'irrigation (les "manafis") entretenus depuis des siècles.
Cette végétation luxuriante, organisée en jardins cloisonnés par des murets de terre, contraste radicalement avec l'aridité du désert environnant, créant un paysage presque irréel où le vert émeraude des palmeraies se détache sur l'ocre des dunes.
Les Sources et Lacs de Siwa
L'oasis doit sa survie à ses nombreuses sources naturelles, dont certaines sont aménagées pour la baignade :
Le Bain de Cléopâtre :
Cette source chaude (environ 29°C) entourée de palmiers et de figuiers doit son nom à la légende selon laquelle la reine égyptienne y aurait effectivement pris ses bains.
Le bassin naturel, d'un bleu profond, est alimenté par une source souterraine constante.
Ain Qurayshat : Ce complexe de plusieurs bassins naturels forme un véritable jardin paradisiaque. L'eau y est légèrement sulfureuse, lui conférant des propriétés thérapeutiques pour les problèmes de peau.
Bir Wahed:
Source thermale isolée en plein désert, accessible après une heure de 4x4 à travers les dunes. Son eau chaude (environ 30°C) est idéale pour se détendre après une journée d'exploration, surtout au coucher du soleil.
Les lacs salés de Siwa (comme le lac Siwa et le lac Zeitoun) offrent quant à eux des paysages lunaires.
Leur haute teneur en sel (près de 95% de salinité) permet une flottaison similaire à celle de la mer Morte.
Ces lacs, vestiges d'une ancienne mer intérieure, sont également exploités pour leur sel depuis l'Antiquité.
Le Grand Désert de Sable
Au-delà des palmeraies s'étend le Grand Erg Occidental, une mer de dunes pouvant atteindre 150 m de haut et s'étendant jusqu'en Libye. Cette zone désertique intacte abrite des formations géologiques étonnantes :
La Dune du Dakrour : Réputée pour ses propriétés thérapeutiques depuis l'époque romaine.
Les visiteurs s'y enterrent dans le sable chaud (jusqu'à 60°C en surface) pour soulager les rhumatismes et les problèmes articulaires.
Des études scientifiques ont confirmé l'efficacité de cette thérapie naturelle.
La Mer de Sable : Un paysage de dunes à perte de vue, idéal pour les excursions en 4x4 ou les randonnées chamelières au coucher du soleil.
Les guides locaux connaissent les meilleurs points de vue pour admirer les jeux de lumière sur les crêtes des dunes.
Les Fossiles Marins : La région regorge de fossiles d'organismes marins datant de l'ère tertiaire, preuve que la région était submergée par la mer Téthys il y a des millions d'années.
On y trouve notamment des fossiles de nummulites, de coquillages et même de requins.
Une Société Berbère Unique
Les habitants de Siwa, appelés Siwis, constituent l'une des dernières communautés berbérophones d'Égypte.
Leur langue, le siwi (une variante du tamazight), est toujours parlée au quotidien, bien que l'arabe égyptien soit également utilisé pour les échanges avec l'extérieur.
Cette particularité linguistique s'explique par l'isolement historique de l'oasis.
La société siwienne traditionnelle est organisée autour de valeurs communautaires fortes.
Jusqu'à récemment, les mariages se faisaient exclusivement entre membres de l'oasis pour préserver l'identité culturelle.
Le système tribal, bien que atténué, influence encore les relations sociales.
Chaque famille appartient à l'un des onze clans traditionnels, chacun avec ses propres responsabilités au sein de la communauté.
Artisanat et Savoir-Faire Traditionnels
Siwa est réputée pour plusieurs formes d'artisanat qui témoignent de la créativité et de l'ingéniosité de ses habitants :
La Bijouterie en Argent
Les femmes siwiennes portent traditionnellement des bijoux complexes (colliers, bracelets, boucles d'oreilles) symbolisant leur statut marital.
Les motifs géométriques et les symboles protecteurs (comme la main de Fatma) dominent. L'atelier d'Ahmed Fathy est l'un des derniers à perpétuer cet art.
La Vannerie : Utilisant les feuilles de palmier-dattier, les artisans créent des paniers, des récipients et même des meubles d'une grande finesse.
Les techniques de tressage, transmises de mère en fille, varient selon l'usage final de l'objet.
Le Tissage : Les métiers à tisser traditionnels produisent des tapis et vêtements aux motifs géométriques caractéristiques, utilisant des colorants naturels extraits des plantes locales.
Le centre artisanal de Siwa propose des démonstrations de ce savoir-faire.
La poterie : Fabriquée selon des méthodes ancestrales, sans tour de potier.
Les potières (car c'est une activité exclusivement féminine) modèlent l'argile à la main, puis la cuisent dans des fours traditionnels alimentés par des branches de palmier.
Fêtes et Célébrations
Le calendrier siwi est rythmé par plusieurs fêtes traditionnelles qui mêlent influences berbères et islamiques :
- Le Siyaha : Cette fête annuelle de réconciliation, unique à Siwa, a lieu chaque automne.
Les habitants se rassemblent sur la montagne pour partager des repas collectifs, régler les différends et renouer les liens communautaires. C'est l'occasion de danses traditionnelles et de chants en langue siwi.
- Les Mariages : Célébrés pendant trois jours selon un rituel immuable. Le premier jour est consacré au henné pour la mariée, le second à la procession du marié à travers le village, et le troisième au festin nuptial.
La musique traditionnelle, jouée sur des instruments comme la zokra (cornemuse locale), accompagne les festivités.
- Les Fêtes Agricoles : Notamment lors des récoltes de dattes (octobre) et d'olives (novembre-décembre).
Ces moments clés du calendrier agricole donnent lieu à des célébrations joyeuses où l'on déguste les premiers fruits de la récolte.
Activités Nature et Aventure
Excursions en 4x4 dans le désert :
Les agences locales proposent des circuits pour découvrir les dunes, les lacs salés et les sites isolés comme la source de Bir Wahed.
L'excursion au coucher du soleil est particulièrement magique.
- Sandboarding : Glisser sur les dunes avec une planche spéciale est une activité très prisée des visiteurs.
Les pentes du Grand Erg se prêtent parfaitement à cette expérience ludique.
- Randonnées à dos de chameau : Une façon authentique et paisible d'explorer l'oasis et ses alentours.
Les chameliers locaux connaissent les meilleurs itinéraires à travers les palmeraies.
- Baignade dans les sources : Détente garantie dans les eaux thermales comme Cleopatra's Bath ou Ain Qurayshat.
Certaines sources moins connues, comme celle de Fatnas Island, offrent une expérience plus intime.
- Thérapie par le sable : Expérience unique à la Dune du Dakrour où l'on s'enterre dans le sable chaud pour soulager les douleurs articulaires.
Les guides expliquent les techniques traditionnelles.
Découvertes Culturelles
- Visite du Musée de Siwa : Ce petit musée bien conçu présente des objets archéologiques, des costumes traditionnels et des outils agricoles anciens, permettant de comprendre l'histoire et les traditions locales.
- Rencontres avec les artisans :
Dans les ateliers de poterie (comme celui d'Um Ahmed) ou de tissage, on peut observer les artisans au travail et acheter des souvenirs authentiques.
- Participation à un repas traditionnel :
Certaines familles accueillent les visiteurs pour partager des plats typiques comme le tagine siwi (aux légumes et viande) ou le pain tabouna cuit sous le sable.
- Cours de cuisine locale : Certains lodges proposent d'apprendre à préparer des spécialités siwiennes avec les femmes du village, utilisant des ingrédients locaux comme les dattes et les olives.
Conseils Pratiques
-Meilleure période : Octobre à avril, avec des températures diurnes agréables (20-25°C).
À éviter en été (mai-septembre) où les températures dépassent souvent 40°C.
-Hébergement : Du lodge de luxe (comme l'Adrère Amellal, construit en matériaux naturels) aux guesthouses simples (comme le Siwa Safari Gardens).
Les écolodges, de plus en plus nombreux, offrent un bon compromis confort/authenticité.
- Transport : Location de vélos (moyen idéal pour explorer l'oasis) ou déplacements en tuk-tuk (négocier les prix à l'avance).
Pour le désert, obligatoire de passer par un guide avec 4x4.
- Tenue vestimentaire : Respecter les codes locaux (vêtements couvrants pour les femmes, épaules couvertes pour les hommes) surtout dans le centre-ville et les villages.
Les Défis du Tourisme
L'arrivée progressive du tourisme depuis les années 1990 pose des défis majeurs pour Siwa.
D'un côté, il apporte des revenus indispensables à l'économie locale.
De l'autre, il menace l'équilibre écologique et culturel de l'oasis.
Les autorités locales et les associations travaillent à développer un tourisme responsable qui préserve l'authenticité des lieux.
Initiatives de Développement Durable
Plusieurs projets notables méritent d'être soulignés :
- L'Adrère Amellal : Ce lodge pionnier, construit selon des techniques traditionnelles, fonctionne en totale autonomie énergétique et forme les jeunes Siwis aux métiers de l'hôtellerie.
- Les Jardins Biologiques: Plusieurs coopératives (comme Siwa Organic) développent une agriculture biologique respectueuse des ressources en eau, tout en valorisant les savoir-faire locaux.
- Les Programmes de Préservation : L'UNESCO et des ONG locales travaillent à la sauvegarde du patrimoine architectural (restauration des maisons en kershef) et linguistique (enseignement du siwi aux jeunes générations).
L'Avenir de Siwa
Le défi pour Siwa est de trouver un équilibre entre développement économique et préservation de son identité unique.
Les projets touristiques récents montrent une prise de conscience croissante de ces enjeux.
L'engagement des jeunes Siwis, de plus en plus nombreux à vouloir rester dans l'oasis tout en modernisant certaines pratiques, est un signe encourageant pour l'avenir.
L'oasis de Siwa représente bien plus qu'une simple destination touristique.
C'est un monde à part, où le temps semble s'être arrêté, préservant une culture et un mode de vie uniques.
Entre ses paysages à couper le souffle, son patrimoine historique exceptionnel et l'accueil chaleureux de ses habitants, Siwa offre une expérience de voyage inoubliable, loin des sentiers battus.
Pour ceux qui cherchent à découvrir l'Égypte sous un angle différent, à s'immerger dans des traditions préservées et à se reconnecter avec une nature préservée, Siwa constitue sans aucun doute l'une des plus belles surprises que puisse offrir le désert.
Une chose est certaine : ceux qui prennent le temps de s'aventurer jusqu'à cette oasis secrète en repartent transformés, avec la sensation d'avoir découvert un trésor caché que le monde moderne n'a pas encore complètement révélé.
1. Siwa est-elle sûre pour les touristes ?
Oui, Siwa est une destination très sûre. Les habitants sont accueillants et l'atmosphère y est paisible. Cependant, il est déconseillé de s'aventurer seul dans le désert sans guide expérimenté. La frontière libyenne est strictement contrôlée.
2. Combien de jours prévoir pour visiter Siwa ?
Un séjour de 3 à 4 jours est idéal pour découvrir les principaux sites et profiter de l'atmosphère unique de l'oasis.
Une semaine permet une immersion plus complète, avec des excursions dans le désert et des rencontres avec la population locale.
3. Faut-il un visa pour se rendre à Siwa ?
Les mêmes règles que pour le reste de l'Égypte s'appliquent.
La plupart des nationalités ont besoin d'un visa, obtenable à l'arrivée pour de nombreux pays.
Un permis spécial était autrefois nécessaire pour Siwa, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui.
4. Peut-on visiter Siwa en tant que femme seule ?
Oui, mais il est recommandé de respecter les codes vestimentaires locaux (vêtements couvrants) pour plus de confort. Éviter les comportements qui pourraient être considérés comme provocateurs. Les hôtels et guides sérieux sauront vous conseiller.
5. Y a-t-il des restrictions photographiques ?
Il est poli de demander l'autorisation avant de photographier les habitants, surtout les femmes. Certains sites religieux ou militaires peuvent interdire la photographie. Les drones nécessitent une autorisation spéciale des autorités égyptiennes.
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