Le temple de Kalabsha représente le plus grand temple autonome de la Nubie égyptienne jamais déplacé, témoignant d'une prouesse architecturale et historique exceptionnelle. Construit sous l'empereur Auguste, ce monument imposant s'étend sur 77 mètres de longueur et est entouré d'une enceinte de 15 mètres de hauteur.
En effet, ce temple majestueux, dédié au dieu nubien Mandoulis, a failli disparaître sous les eaux du lac Nasser dans les années 1960. Cependant, une remarquable opération de sauvetage a permis de démonter ses 13 000 blocs et de les déplacer vers un site plus élevé près d'Assouan.
Ainsi classé au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1979, le temple de Kalabsha continue de fasciner les visiteurs par son architecture ptolémaïque classique et ses inscriptions historiques uniques, notamment celle du gouverneur romain Aurelius Besarion datant de 250 après J.-C.
Situé autrefois près de la ville antique de Talmis, au niveau du tropique du Cancer à environ 50 kilomètres au sud d'Assouan, le temple de Kalabsha possède une histoire aussi riche que mouvementée.
Ce monument imposant témoigne d'une longue tradition cultuelle en Nubie égyptienne, devenant au fil des siècles l'un des plus importants centres religieux de la région.
L'histoire du temple de Kalabsha remonte plus loin qu'on ne pourrait l'imaginer. En effet, des vestiges suggèrent qu'un premier sanctuaire existait déjà sous le règne d'Amenhotep II de la XVIIIe dynastie (vers 1450-1425 av. J.-C.). Cependant, ce n'est que bien plus tard que le site acquiert une importance majeure.
La construction du temple actuel débute véritablement sous l'empereur Auguste (30 av. J.-C. - 14 apr. J.-C.), peu après la mort d'Alexandre le Grand et l'avènement de la domination romaine en Égypte. Ce temple remplace alors une structure antérieure édifiée sous Ptolémée VIII. La construction s'est poursuivie sous les empereurs suivants, notamment Caligula et Trajan, mais comme en témoigne sa façade dépourvue de décoration, l'édifice n'a jamais été totalement achevé.
Néanmoins, malgré son inachèvement, le temple de Kalabsha est considéré comme le plus vaste et le plus complet encore debout en Basse Nubie, reflétant parfaitement le style architectural de l'époque gréco-romaine.
Le temple est principalement dédié à Mandoulis, divinité d'origine nubienne dont le nom égyptien s'écrit Merour (Mrwr). Ce dieu, relativement méconnu en dehors de la Nubie, présente une particularité remarquable : il est représenté sous deux aspects distincts—comme un adulte et comme un enfant.
Mandoulis jouissait d'une grande vénération en Basse-Nubie, particulièrement parmi les Blemmyes, peuple nomade qui habitait entre le Nil (de la première à la deuxième cataracte) et la côte de la mer Rouge. Son culte ne semble pas remonter au-delà de l'époque ptolémaïque, mais il a perduré étonnamment longtemps : les derniers fidèles l'adoraient encore au VIe siècle de notre ère.
Dans la mythologie égyptienne, Mandoulis a été progressivement intégré à la famille osirienne. En tant que dieu solaire, il assume un double rôle : d'une part, à l'instar d'Harendotes, il est le vengeur de son père et restaurateur de l'ordre royal ; d'autre part, il représente les étapes du cycle solaire—soleil à son zénith lorsqu'il apparaît comme le "grand dieu" (netjer aa) et force renaissante du soleil quand il prend l'aspect de "l'enfant" (pa shered).
Les Grecs, quant à eux, l'ont assimilé à Apollon, comme en témoignent plusieurs inscriptions du temple.
L'histoire du temple de Kalabsha est marquée par plusieurs transformations au fil du temps. Au milieu du IIIe siècle, le déclin du temple semble déjà amorcé. Un décret daté de 249 apr. J.-C., émis par le gouverneur d'Ombos et d'Éléphantine, Aurelius Besarion, ordonne aux propriétaires de cochons de ne pas laisser leurs animaux entrer dans le sanctuaire—indice d'une certaine désaffection des lieux.
Lorsque les Romains se retirent de Basse Nubie au début du IVe siècle, les Blemmyes, devenus maîtres de cette partie de la vallée, font de Kalabsha leur résidence principale. Ils y maintiennent le culte de Mandoulis jusqu'à la conquête de la région au VIe siècle par le roi nubien Silko.
Ultérieurement, à l'époque chrétienne, certaines parties du complexe ont été converties en église, comme l'attestent des inscriptions relevées par Henri Gauthier en 1908. La pièce la plus éloignée du temple, autrefois le Saint des Saints, a notamment été transformée en lieu de culte chrétien.
Ce n'est qu'au XXe siècle, menacé par les eaux du lac Nasser, que le temple connaîtra sa plus spectaculaire transformation : son déplacement pierre par pierre vers un site plus élevé, préservant ainsi ce témoin exceptionnel de l'histoire religieuse nubienne pour les générations futures.
Parmi les temples nubiens préservés, celui de Kalabsha impressionne par son architecture majestueuse et son état de conservation remarquable.
Construit en grès et de forme rectangulaire, ce monument suit les conventions classiques de l'architecture égyptienne tout en intégrant des éléments de style gréco-romain.
Le temple de Kalabsha se distingue d'abord par ses proportions considérables. Avec ses 76 mètres de longueur et 22 mètres de largeur, il constitue le plus grand temple autonome de la Nubie égyptienne. L'ensemble était autrefois entouré d'une imposante enceinte de briques atteignant 15 mètres de hauteur et mesurant 66 × 92 mètres.
Édifié selon le style traditionnel de l'époque gréco-romaine, le monument présente une configuration classique mais avec quelques particularités. Son pylône monumental, légèrement décalé par rapport à l'axe central, crée une cour de forme trapézoïdale. Cet aspect asymétrique distingue Kalabsha des autres temples égyptiens plus strictement alignés.
À l'intérieur, la structure suit un plan typique comprenant successivement une cour ouverte, une salle hypostyle aux colonnes ornées de chapiteaux composites, et trois salles de sanctuaire. Des corridors entre les colonnes et des murs d'entrecolonnement richement décorés caractérisent également son architecture.
Par ailleurs, un escalier situé dans les salles du sanctuaire mène jusqu'au toit du temple, offrant une vue panoramique sur l'ensemble du complexe et le lac sacré.
Les parois du temple sont couvertes de bas-reliefs et de textes hiéroglyphiques d'une grande finesse. Parmi les œuvres d'art les plus admirables figure une sculpture représentant Horus émergeant des roseaux, visible sur le mur-rideau intérieur. Cette scène, particulièrement délicate, témoigne du savoir-faire des artisans de l'époque.
Dans les salles intérieures, notamment, se trouvent plusieurs scènes rituelles illustrant des offrandes aux divinités. Sur le mur du fond du sanctuaire, deux représentations contrastées de Mandoulis apparaissent :
À droite, le dieu sous aspect royal, portant couronne, sceptre et signe ankh
À gauche, sous aspect divin, arborant une coiffure ornée de cornes de bélier, disque solaire et uraeus
Autrefois, ces reliefs étaient remarquables pour leurs couleurs vives et bien préservées. Cependant, la majeure partie de cette polychromie a disparu au fil du temps, notamment après qu'un moulage en a été pris au XIXe siècle.
Le temple de Kalabsha recèle plusieurs inscriptions d'une valeur historique exceptionnelle. Sur le mur grillagé séparant la cour de la salle hypostyle, on peut lire un décret du gouverneur romain Aurelius Besarion (vers 249 apr. J.-C.) interdisant l'entrée des porcs dans le temple pour des raisons religieuses.
Une autre inscription majeure, gravée par le roi nubien Silko au Ve siècle, relate sa victoire sur les Blemmyes et le montre représenté en soldat romain à cheval. D'autres textes moins connus mais tout aussi fascinants comprennent l'une des plus longues inscriptions méroïtiques jamais découvertes, attribuée au roi Kharamadoye.
Par ailleurs, certaines inscriptions témoignent de l'influence chrétienne ultérieure : des sculptures représentant Saint Georges terrassant un dragon et plusieurs croix démontrent la reconversion du temple en église pendant la période de persécution romaine.
Ces marques successives, dans des langues parfois encore mystérieuses pour les égyptologues, font du temple de Kalabsha un véritable livre d'histoire gravé dans la pierre.
En 1954, une décision gouvernementale égyptienne allait transformer radicalement le paysage de la Nubie antique.
Le projet du haut barrage d'Assouan, considéré comme essentiel au développement du pays, mettrait bientôt en péril l'un des plus grands ensembles archéologiques du monde, dont le majestueux temple de Kalabsha.
Initié sous la présidence de Gamal Abdel Nasser, le haut barrage d'Assouan visait plusieurs objectifs vitaux pour l'Égypte. Cette construction colossale devait permettre de réguler les crues parfois dévastatrices du Nil, d'alimenter le pays en eau, de développer l'agriculture sur des terres jusque-là arides et de produire l'électricité nécessaire au développement industriel.
Les travaux commencèrent officiellement en janvier 1960. Ce nouveau barrage, bien plus important que celui construit en 1902, entraînerait la formation d'un immense réservoir artificiel : le lac Nasser. Cette étendue d'eau de 162 milliards de mètres cubes s'étendrait sur près de 500 kilomètres entre l'Égypte et le Soudan.
La création du lac Nasser signifiait l'immersion complète de la vallée du Haut-Nil, d'Assouan jusqu'à la cataracte de Dal au Soudan. Cette région, connue depuis l'antiquié sous le nom de Nubie, abritait un patrimoine culturel d'une richesse exceptionnelle.
Pas moins de 17 sites archéologiques égyptiens et 5 sites soudanais se trouvaient directement menacés par les eaux. Parmi eux, les temples de Kalabsha, Philae, Abou Simbel et plusieurs autres monuments uniques risquaient d'être perdus à jamais sous près de 50 mètres d'eau.
Au-delà des monuments, la montée des eaux forçait également le déplacement de plus de 90 000 personnes, principalement des Nubiens, contraints d'abandonner leurs terres ancestrales. Ces populations furent relogées vers des zones souvent arides, sans accès au Nil ni aux infrastructures médicales.
Face à cette menace imminente, les gouvernements égyptien et soudanais sollicitèrent l'aide de l'UNESCO en 1959. Le 8 mars 1960, son directeur général, Vittorino Veronese, lança un appel international à la sauvegarde des monuments de Nubie.
Cet appel suscita une mobilisation sans précédent. En pleine guerre froide, plus de 50 pays y répondirent favorablement, dont la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis, mais aussi les deux Allemagnes, la Pologne et d'autres pays du bloc de l'Est. Une campagne de financement permit de réunir près de 26 millions de dollars.
L'UNESCO établit une liste de 22 monuments prioritaires à sauver en Basse-Nubie. Le temple de Kalabsha fut le premier à bénéficier de cette opération de sauvetage : dès 1961, il était démonté en blocs numérotés pour être transporté et remonté près d'Assouan.
Dès 1961, le temple de Kalabsha devint le premier monument nubien à bénéficier d'une opération de sauvetage sans précédent. Cette prouesse technique témoigne de la détermination internationale à préserver le patrimoine culturel menacé par la montée des eaux.
La campagne internationale lancée par l'UNESCO en 1960 représentait un défi titanesque. Durant vingt ans, cette opération a mobilisé des experts de cinq continents et permis de sauver 22 monuments et complexes architecturaux majeurs.
L'UNESCO servait de coordinateur entre les pays donateurs et les gouvernements égyptien et soudanais. Un comité exécutif a été créé spécifiquement pour superviser ces activités, tandis qu'un fonds spécial était établi pour financer l'ensemble des opérations. Cette initiative novatrice a d'ailleurs inspiré la création de la Convention du patrimoine mondial de 1972.
Le démantèlement du temple de Kalabsha débuta en 1963, alors qu'il était déjà partiellement submergé. Chaque bloc fut numéroté et sa position soigneusement reportée sur un plan détaillé. Au total, 13 000 blocs pesant ensemble près de 20 000 tonnes furent extraits.
Les ouvriers découvrirent même une porte plus ancienne dans les fondations, utilisée comme matériau de remplissage. Cette porte fut offerte à l'Allemagne en remerciement de son aide précieuse.
Le transport des blocs constituait un défi logistique considérable. L'équipe allemande dirigeant l'opération dut transporter ces milliers de blocs par bateau sur environ 50 kilomètres. Entreposés jusqu'en 1970, ils furent ensuite réassemblés méticuleusement sur l'île de Khor Ingi, à proximité du haut barrage.
Aujourd'hui, le temple se dresse fièrement à environ 750 mètres au sud du haut barrage d'Assouan, sur un site baptisé "Nouvelle Kalabsha" qui accueille également d'autres monuments sauvés comme le kiosque de Qertassi et la chapelle de Beit el-Wali.
Cette opération extraordinaire a permis de préserver ce joyau architectural qui, autrement, aurait été perdu à jamais sous les eaux du lac Nasser. Désormais, le temple de Kalabsha continue de témoigner de la grandeur de la civilisation nubienne et de l'ingéniosité humaine déployée pour sa sauvegarde.
Autour du majestueux temple de Kalabsha, plusieurs autres monuments nubiens ont également bénéficié des campagnes de sauvetage orchestrées par l'UNESCO. Ces trésors architecturaux, désormais réunis sur le site de "Nouvelle Kalabsha", témoignent de la diversité du patrimoine sauvé des eaux du lac Nasser.
Ce petit temple dédié à la déesse Hathor (ou possiblement à Isis) date probablement de l'époque de Trajan, contemporain du kiosque similaire à Philae. Initialement situé à environ 40 kilomètres au sud de son emplacement actuel, ce pavillon élégant se distingue par ses quatre colonnes ornées de chapiteaux composites inspirés du modèle papyriforme ouvert.
Sa porte d'entrée, particulièrement remarquable, est encadrée par deux piliers hathoriques décorés d'effigies de la déesse. De la couverture d'origine ne subsiste qu'une longue architrave monolithique surmontée d'une corniche ornée d'uraeus. Le sauvetage de ce monument a été entièrement réalisé par le service des antiquités égyptiennes.
Ce sanctuaire dédié au dieu Amon fut construit au début du règne de Ramsès II. Malgré sa petite taille, il renferme des trésors artistiques exceptionnels, notamment des fresques aux couleurs remarquablement préservées. Ces peintures murales illustrent l'expédition militaire de Ramsès II en Nubie avec un réalisme saisissant.
On y voit le pharaon recevant des tributs variés: or en anneaux, bovidés, panthères, girafe, singes, autruche et bois d'ébène apportés par les Nubiens et Éthiopiens. Ces scènes représentent également des armées ennemies nubiennes et africaines des contrées tropicales. Une copie de cette fresque est aujourd'hui conservée au British Museum à Londres.
Cette petite chapelle construite par Ptolémée X était dédiée à Dédoun, dieu d'origine nubienne surnommé "Seigneur de Nubie". À l'origine, le temple de Kalabsha était entouré d'une enceinte rectangulaire où se trouvaient plusieurs chapelles, dont celle-ci.
Dédoun, représenté d'abord sous forme de faucon puis comme un lion au Nouvel Empire, était vénéré comme protecteur de la Nubie et dieu de l'encens. Ramsès II était parfois considéré comme "le fils de Dédoun".
L'entrée de ce mammisi est décorée d'un disque solaire ailé entouré de deux uraeus, et ses montants présentent des scènes d'offrandes aux divinités. Ce monument témoigne de l'empreinte ptolémaïque dans le complexe architectural de Kalabsha.
Le temple de Kalabsha représente ainsi bien plus qu'un simple monument architectural. Ce chef-d'œuvre nubien, sauvé des eaux du lac Nasser grâce à une mobilisation internationale sans précédent, témoigne de la détermination humaine à préserver son patrimoine culturel.
Certainement, le sauvetage spectaculaire du temple et sa reconstruction méticuleuse près d'Assouan constituent une prouesse technique remarquable. Les 13 000 blocs soigneusement démontés, transportés et réassemblés racontent l'histoire d'une collaboration internationale exemplaire, devenue depuis un modèle pour la protection du patrimoine mondial.
Aujourd'hui, le site de "Nouvelle Kalabsha" permet aux visiteurs d'admirer non seulement ce temple majestueux, mais également d'autres trésors architecturaux sauvés des eaux, notamment le kiosque de Qertassi et le temple de Beit el-Wali. Ces monuments préservés perpétuent la mémoire d'une civilisation millénaire et rappellent l'importance de protéger notre héritage culturel pour les générations futures.
Q1. Quelle est l'origine du temple de Kalabsha ?
Le temple de Kalabsha a été construit au début de l'époque romaine, sous le règne de l'empereur Auguste. Il était dédié au dieu nubien Mandoulis et remplaçait un sanctuaire plus ancien datant de l'époque ptolémaïque.
Q2. Pourquoi le temple de Kalabsha est-il considéré comme exceptionnel ?
Le temple de Kalabsha est le plus grand temple autonome de Nubie jamais déplacé. Il impressionne par ses dimensions (76 mètres de long), son architecture gréco-romaine et ses reliefs remarquables, notamment une sculpture d'Horus émergeant des roseaux.
Q3. Comment le temple de Kalabsha a-t-il été sauvé ?
Face à la menace du lac Nasser, le temple a été démonté en 13 000 blocs numérotés, pesant au total 20 000 tonnes. Ces blocs ont été transportés par bateau sur 50 km et réassemblés méticuleusement sur un nouveau site près d'Assouan, baptisé "Nouvelle Kalabsha".
Q4. Quelles inscriptions historiques peut-on trouver dans le temple ?
Le temple abrite plusieurs inscriptions précieuses, dont un décret du gouverneur romain Aurelius Besarion (249 apr. J.-C.) et une inscription du roi nubien Silko relatant sa victoire sur les Blemmyes. On y trouve aussi l'une des plus longues inscriptions méroïtiques connues.
Q5. Quels autres monuments peut-on voir autour du temple de Kalabsha ?
Sur le site de "Nouvelle Kalabsha", on peut également admirer d'autres trésors sauvés des eaux, notamment le kiosque de Qertassi avec ses colonnes hathoriques, le temple de Beit el-Wali connu pour ses peintures colorées, et le mammisi de Dédoun, une chapelle ptolémaïque dédiée au dieu nubien Dédoun.
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